Greenpeace International: la réinvention de la collecte de fonds en face à face.
- Exhibited by
- Daryl Upsall et Jasna Sonne.
- Added
- October 15, 2011
- Medium of Communication
- Face à face.
- Target Audience
- Grand public, dons réguliers.
- Type of Charity
- Environnementale, Animale.
- Country of Origin
- Autriche.
- Date of first appearance
- 1994.
Le point de vu de SOFII:
Ceci est peut-être l’une des histoires les plus étonnantes de la récolte de fonds moderne. Pourtant très peu la connaissent et la comprennent. C’est l’héroïne de l’organisation environnementale et engagée Greenpeace, qui est considérée depuis plus de 20 ans comme la plus innovatrice et entrepreneuriale des charités. Il est tout à fait approprié que cette histoire soit racontée par Daryl Upsall et Jasna Sonne, puisqu’ils ont été indispensables au déroulement de cette incroyable histoire. En 2002, lorsque Ken Burnett rechercha l’histoire pour sa nouvelle édition du « Relationship Fundraising », il découvrit que durant les cinq années précédentes, Greenpeace avait recruté plus de 1,4 millions de nouveaux donneurs, dans 18 pays, et qui chaque année généraient la somme de $150 millions (plus de €116 millions). Et ce n’est que le début. Tout ça grâce a une simple idée. C’est une longue histoire qui vaut bien d’être lue, alors prenez le temps de la lire.
Résumé et objectives:
Identifier une nouvelle méthode de recrutement pour des dons mensuels par prélèvements bancaires, ainsi que des donneurs plus jeunes que l’habituel supporteur de Greenpeace (qui est normalement âgé de 55 ans).
Contexte:
En 1993, collecter des fonds pour Greenpeace était particulièrement difficile – les marchés étaient en déclin, notamment aux Etats-Unis. La perception interne du problème était que les causes environnementales n’étaient plus à la mode et les donneurs potentiels s’intéressaient plus aux causes émergentes comme celle du SIDA. Les donneurs Greenpeace avaient historiquement été recrutés par prospection postale et la publicité dans les medias. Aux Etats-Unis, il y avait également la collection de chèques grâce au porte-à-porte. Ces méthodes ne marchaient plus. Il était important d’agir ou Greenpeace allait connaître une crise majeure dans plusieurs pays et notamment à son QG.
Daryl Upsall, qui a écrit cet article, fut engagé en 1993 afin de trouver une solution à cette crise potentielle globale, avant qu’elle n’empire. Jasna Sonne quant à elle, était une récolteuse de fonds avec beaucoup d’expérience, basée à Vienne en Autriche, et fut l’un des premiers membres de l’équipe de récolte de fonds internationales de Greenpeace. Je me souviens encore avoir raconté au gourou de la récolte de fonds, George Smith, ce que Greenpeace espérait faire. Il me répondit : « Si tu obtiens ce travail, je m’engage à porter tes sacs partout dans le monde! ».
À ce moment là, George Smith et Ken Burnett, de l’agence de communications Londonienne Burnett Associates, ne savaient pas que non seulement j’obtiendrai ce travail, mais qu’en plus ils devraient voyager à travers le monde pour visiter les différents bureaux Greenpeace et analyser leurs performances.
Les rapports de chaque pays compilés par Ken et George furent essentiels pour déterminer les besoins spécifiques et les changements indispensables. Encore plus important fut le fait qu’ils purent identifier les problèmes communs et besoins de la famille Greenpeace.
Nous concluons que la collecte de fonds chez Greenpeace était dévalorisée au niveau national et international. La base de supporteurs était en perte, vieillissante et basée autour d’appels particuliers et générait seulement des dons uniques. Les différentes méthodes de recrutement étaient de moins en moins efficaces et n’aidaient à récolter que de maigres sommes (plus d’informations à ce propos dans différentes pages SOFII). C’est pourquoi nous décidâmes :
- De changer les habitudes
- De former notre personnels et de développer leurs aptitudes ainsi que le recrutement de nouveaux talents.
Le rapport de Smith et Burnett indiquait clairement que le prélèvement bancaire était la solution. Surtout en utilisant des systèmes comme « Frontline » (développé par Burnett au Royaume-Uni). Ce système offrirait l’opportunité de créer des relations à long-terme avec les donneurs, et donc une source de revenu durable pour Greenpeace dans le monde.
En 1993, seulement 18% des supporteurs Greenpace dans le monde donnaient de façon mensuelle.
Pour Greenpace, le Saint Graal était de trouver un moyen de recruter et d’encourager des donneurs plus jeunes à donner mensuellement. Qui aurait pensé que cette solution allait venir de Vienne?
Lorsque Ken Burnett visita Greenpeace en Autriche pour la première fois, avec son message de don mensuel en 1994, l’Autriche n’était pas la plus performante des succursales Greenpeace et ne comptait que très peu de donneurs réguliers. Alors qu’en Allemagne, Greenpeace comptait plus de 350.000 donneurs réguliers par prélèvements bancaires. Le prélèvement bancaire n’était même pas encore établi en Autriche. Mais cela était sur le point de changer.
Jasna Sonne raconte :
C’était un jour très chaud, en 1995. Quelques semaines auparavant, le président Français Jacques Chirac avait décidé d’arrêter les essais nucléaires de Muroroa dans le sud du Pacifique et la multinationale Shell s’apprêtait à jeter son énorme et vieille plateforme Brent Spar dans la mer du Nord.
En Autriche, dans le jardin d’un petit restaurant à Vienne, un rendez-vous prenait place entre le directeur général intérim, le directeur de la récolte de fonds et autres personnels de la même équipe Greenpeace, ainsi que deux représentatifs de la petite agence spécialisée Dialog Direct. Le but était de signer un contrat avec cette agence.
J’étais le représentant du directeur général pour Greenpeace International. Mes collègues, particulièrement le directeur de la récolte de fonds Gerald Kaufmann, s’était longuement préparé à ce rendez-vous. Je savais que Gerald ne faisait jamais rien sans une bonne raison. Ce fut seulement quelques mois plus tard, une fois de retour à mon poste à Greenpeace International que je réalisais l’impacte du contrat que je signais ce jour là. Beaucoup de choses changèrent ce jour là. Notamment la situation financière de Greenpace, mais aussi celle de nombreuses charités à travers le monde.
L’accord était de tester une activité nouvelle et unique. L’idée était d’approcher des donneurs potentiels en public, dans la rue, en espérant qu’environ un millier serait d’accord pour remplir un formulaire bancaire. Le formulaire était très long et certifiait que ces nouveaux donneurs convenaient à payer Greenpeace un don chaque mois. Rien de tel n’avait été essayé auparavant.
À l’époque en Autriche, les gens payaient encore par chèque qu’ils postaient, ou directement à la banque. Seulement les compagnies d’énergies et le marché émergent de la téléphonie mobile étaient capables de prélever électroniquement et automatiquement directement aux banques.
Pour atteindre le nombre magique de 1.000 donneurs, il avait été estimé qu’il faudrait approcher au moins 10.000 personnes. Personnellement, je trouvais cela incroyable – voire fou !
Comme Ken Burnett disait toujours : « ce que l’on a besoin dans le monde de la collecte de fonds, c’est un système bancaire électronique qui nous permet de récolter de l’argent n’importe où ». Après seulement quelques mois, je réalisais que ce moyen extraordinaire et visionnaire marchait et les dons s’accumulaient sans limites sur le compte en banque de Greenpeace Autriche.
Greenpeace Autriche fut avant-gardiste sur bien des points qui transformèrent les dons dans la rue. Tout d’abord, cela réduisit les dons en espèces, ce qui arrangeaient à la fois les donneurs et l’organisation. Les négociations avec les banques entreprises par Gerald Kaufmann furent chères à Greenpeace. Ensuite, approcher les donneurs potentiels dans la rue donna à Greenpeace une certaine couverture médiatique chaque jour. Les collecteurs de fonds dans la rue portaient la marque Greenpeace sur eux. Enfin, le fait que la relation entre le donneur et Greenpeace commençai par un contact humain aida énormément. C’était un tout nouveau concept que les gens adoptèrent très vite.
Il devint clair rapidement que 70% des donneurs recrutés avaient entre 20 et 35 ans (tout comme ceux qui étaient chargés de les aborder). Ces gens engagés, voulaient changer le monde en supportant régulièrement Greenpeace.
Le test fut un succès et l’agence dut employer plus de personnels. La plupart de ces jeunes avaient un look d’étudiant plutôt cool. Et c’est d ‘ailleurs pourquoi il fut difficile de contrôler leur approche qui paraissait parfois un peu trop amicale. En même temps, ces jeunes étaient dans la rue en train de récolter des fonds pour Greenpeace. Quelle belle image qui permit aussi de communiquer les problèmes environnementaux au grand public et particulièrement aux jeunes.
À la fin de l’année 1995, Greenpeace Autriche avait déjà recruté 13.000 nouveaux donneurs réguliers et n’en perdis presque aucun la deuxième année.
L’année suivante, et dans plusieurs pays, Greenpeace eut du mal à garder ces nouveaux donneurs qui avaient rejoins l’organisation à l’aube de cette « vague verte » due aux essaies nucléaires et au problème Brent Spar. Cependant, grâce à Direct Dialog, Greenpeace Autriche recruta de nouveaux 50.000 supporteurs par prélèvement bancaire. Ce soutien régulier était estimé durer entre sept et dix ans. De plus, cette méthode de collecte de fonds face à face eut tellement de succès en Autriche que le clergé Autrichien demanda un débat au parlement en clamant que Greenpeace « prenait l’argent destiné aux églises ».
Lentement, d’autres organisations s’intéressèrent à cette méthode de récolte de fonds dans la rue – appelé dialogue direct. Il était temps pour Greenpeace International de sortir cette campagne au niveau international. En 1996, Greenpeace implémentait sa campagne de dialogue directe dans le monde. Aujourd’hui, cette méthode est encore principalement utilisé pour le recrutement de nouveaux donneurs à travers le monde, et marche toujours aussi bien dans de nombreux pays comme la Chine, la Thaïlande, l’Inde, l’Amérique Latine, l ‘Amérique du Nord et en Europe. Depuis, des millions et des millions d’euros ont été récolté grâce à aux donneurs recruté par cette méthode.
Tout commença en Autriche, ce jour ensoleillé de Juin 1995.
Influence et impacte:
En 1998, Greenpeace International avait rapidement développé son plan de collecte de fonds en face à face à travers le monde, dans les endroits publics mais aussi grâce au porte-à-porte. Dans tout les cas, cela voulait dire préparer la campagne au niveau interne ou trouver une agence pouvant rapidement créer ce genre de service car il n’en existait pas à l’époque. Dans beaucoup de pays il fallut négocier avec les banques pour permettre à Greenpeace d’opérer le prélèvement bancaire, ainsi que les autorités locales et la police, afin d’obtenir le droit de collecter des informations bancaires dans la rue. Greenpeace dut rapidement apprendre à prendre soins de ses nouveaux donneurs, de façon à préserver et développer des relations longues durées à l’aide de moyens de communications appropriés. En effet, ces nouveaux donneurs s’intéressaient très peu aux moyens traditionnels de communications postaux et il fallut donc développer de nouveaux mediums comme les emails ou les SMS. Mais c’est une autre histoire pour SOFII – après tout Greenpeace arrivait déjà à récolter $50.000 (environ €38.700) par mois grâce a l’internet en 1993. Ce fut sans conteste un temps novateur.
Puis, à l’une des conférences annuels de Greenpeace International, plus connues sous le nom de « skillshares », l’un des invites, David Coe d’Amnesty International UK découvrit le succès de Greenpeace et de sa collecte de fonds en face a face et entreprit de copier l’idée. Le génie était sorti de sa lampe.
En 10 ans, la collecte de fonds en face à face est devenu le mode de recrutement de donneurs réguliers préféré, et un outil indispensable pour des centaines d’ONG dans plus de 30 pays. Greenpeace, et aujourd’hui l’UNICEF, sont en train de le développer sur de nouveaux marchés comme en Inde, où ils intègrent également les SMS et la plantation d’arbres.
Au Royaume-Uni, plus de 750.000 nouveaux donneurs ont été recruté grâce à la collecte face à face; en Espagne, ce nombre atteindra bientôt 160.000 donneurs. Dans le monde, on parle de millions de personnes.
Enfin, plus de 70 pour cent des donneurs de Greenpeace sont maintenant des donneurs mensuels. Grâce à eux, les revenues de Greenpeace sont assurés et continuent à augmenter. Mais la mission n’est jamais vraiment accomplie. Comme tout procédé, le face à face doit s’adapter et continuer à évoluer avec le temps, avec les nouvelles technologies, les cultures et générations. Ce qui permettra de nous occuper pendant au moins les dix prochaines années!
Mérites:
L’approche de Greenpeace, changea la face de la récolte de fonds à travers le monde. Le dialogue direct est encore et toujours le moyen le plus efficace de recruter de nouveaux donneurs réguliers. Cette méthode a certainement aidé à générer des millions, voire des milliards.
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